Table des matières

La « 4e couleur forcing »

 


Résumé d'un article d'Alain Lévy paru au Bridgeur n° 766 d'octobre 2003


Bottom

Table des matières :

A. Définition

B. Contenu
I. Artificielle
II. Autoforcing
III: Forcing de manche ?
IV: Emploi et conditions

C. Développements
I. Attitude de l'ouvreur
1. Soutien de la majeure du répondant
2. Enchères à Sans-Atout
3. Répétition de la couleur d'ouverture
4. Répétition de la deuxième couleur
5. Soutien de la 4e couleur
6. Remarque
II. Attitude du répondant

D. Séquences particulières
I. Le 1/1/1/1
1. Attitude de l'ouvreur
2. Attitude du répondant
II. La 4e couleur en bicolore cher

 



A. Définition

Il s'agit de la nomination, dans le silence adverse 

Cela implique que l'ouvreur a nommé deux couleurs, le répondant en a répondu une autre et nomme maintenant la dernière. L'on trouve en fin d'article tous les cas de base.

B. Contenu

Hors la séquence :
Ouest Est
1 1
1 1
(qui sera traitée sous litt. D. I.
et n'est dès lors pas concernée par
la présente lettre B et la lettre C plus bas)

(où 1 est forcing et semi-naturel), la « 4e couleur » est :
I. Artificielle

Elle peut certes être longue, mais vient le plus souvent de deux ou trois petites cartes, parfois même d'une courte.

Elle marque un embarras, l'impossibilité de conclure, soit faute de fit, soit faute d'arrêts appropriés pour Sans-Atout, soit parce qu'ambitieuse (exploration de chelem). Elle est donc soit à la recherche d'un fit, le plus souvent dans la première couleur du répondant, alors cinquième (mais pas forcément!), soit d'un arrêt précisément dans cette quatrième couleur, soit enfin de toute précision utile de l'ouvreur, lequel est prié de se développer encore. Elle n'est ainsi, finalement, qu'un relais. Quand elle a pour but de trouver un arrêt (principal ou complémentaire) chez l'ouvreur dans cette quatrième dénomination, elle a aussi pour effet de transférer le contrat des Sans-Atout chez l'ouvreur (qui pourra, à son tour, comme nous verrons, retransférer en soutenant la 4e couleur avec son As troisième de deuxième zone!).

II. Autoforcing

L'ouvreur a le droit de se développer sans brûler de paliers, même plus fort qu'attendu, parce qu'assuré d'être en mesure de reparler. En effet, par son caractère autoforcing, la 4e couleur garantit à l'ouvreur un quatrième tour de parole : le répondant s'engage à reparler (à moins que l'adversaire n'intervienne et n'offre ainsi lui-même cette faculté à l'ouvreur).

III. Forcing de manche ?

La 4e couleur est le plus souvent forcing de manche. Mais pas toujours. L'on peut circonscrire les cas où elle ne l'est pas par la fameuse « Règle d'Alain Lévy » : la 4e couleur n'est forcing de manche que si, à son troisième tour, le répondant dépasse 2SA. Autrement, soit si le répondant annonce, après elle, à son troisième tour d'enchères, 2 ou 2 ou 2SA, l'ouvreur peut passer ou répéter l'une de ses deux couleurs sans que cette répétition soit forcing.

IV. Emploi et conditions

Le répondant n'utilisera pas la 4e couleur avec moins de 13 points, à moins qu'il ne soit en mesure d'enchérir à 2 ou 2 ou 2SA à son tour suivant (son troisième tour d'enchères), auquel cas il peut l'employer avec seulement 11H.

De son côté, l'ouvreur veillera à laisser cette faculté au répondant si, en face de 11 points, il n'assume pas la manche, soit s'il ne détient pas lui-même 14H (ou équivalent) !

Par exemple :

Ouest Est
1 1
2 2
2

2 même avec un bicolore - 5-5 si seulement 10-11H, cependant 3 avec 13H, soit un beau bicolore qui assume la poursuite du dialogue avec seulement 11H chez le répondant.

Et si alors le répondant ne dépasse pas 2SA,

Ouest Est
1 1
2 2
2 2/SA
3  

l'ouvreur peut enfin répéter ses Trèfles pour laisser au répondant le choix entre 3 ou 3. 3 et 3 ne sont ainsi pas forcing ; sur 2 du répondant, cet ouvreur (faible, 10‑11H), avec deux cartes à Pique, aurait simplement passé.

En revanche, si l'ouvreur empêche cela :

Ouest Est
1 1
2 2
3  

tout devient forcing de manche ! L'ouvreur avait les moyens d'assumer 11H chez le répondant !

Muni, dans les départs ci-dessus, de seulement 11H mais d'un arrêt Carreau convenable, le répondant devrait enchérir à 2SA à son deuxième tour, malgré cinq cartes à Pique, pour simplifier la séquence. Là dessus l'ouvreur minimum passe, mais transite par un soutien différé forcing à 3 dès qu'il détient trois cartes à Pique et veut jouer la manche (l'on joue, en cas de partielle, 2SA au lieu de 3? la belle affaire!).

2 viendra donc, avec seulement 11H, d'un ennui dirimant à Carreau empêchant l'enchère naturelle de 2SA. Nous verrons plus loin que 2, avec seulement 11H, est une enchère dangereuse, parce que peut conduire son camp hors de ses limites, à 3SA avec 12H en face de 11, voire 11 en face 11!

En effet un ouvreur démuni de trois cartes à Pique mais muni d'un arrêt Carreau devra nommer 2SA, sur 2, même avec seulement 12H! Or cela conduit inexorablement à la manche en vertu de ce qui précède : la séquence devient forcing de manche faute pour le répondant d'enchérir 2SA ou en deçà à son troisième tour!

C. Développements

Ce titre ne concerne pas les séquences visées par le titre D, « Séquences particulières » (1/1/1/1 et les 4es couleurs chères).

I. Attitude de l'ouvreur

L'ouvreur se décrit naturellement, sauf si, nommant une couleur, il colle à la 4e couleur ! Dans ce cas, soit si l'ouvreur nomme le palier immédiatement supérieur à la 4e couleur (2 sur 2 dans les exemples ci-dessus), il exerce son joker : il peut mentir tant en force qu'en distribution !

S'il le peut, l'ouvreur choisit l'une des possibilités ci-dessous, données dans leur ordre de priorité :

1. Soutien de la majeure du répondant

Au niveau minimum dans la zone 12-14H, à saut dans la zone de l'ouverture de 1SA.

Ces soutiens garantissent trois cartes, mais seulement deux en « collante » (palier immédiatement supérieur à la 4e couleur ; joker!).

Le soutien à saut ne peut venir que d'un 5431, soit d'un singleton dans la 4e couleur, pour expliquer la non-ouverture de 1SA.

Plus fort, soit en zone 3 (18H+), l'ouvreur irrégulier aura sauté en redemande !

2. Enchères à Sans-Atout

2SA en zone 12-14 aux conditions suivantes :

3SA dans la zone 15-17, qui garantit :

2SA (sic) dans la zone 18-19 :


3. Répétition de la couleur d'ouverture

Sans saut et au niveau de deux elle sera notre fameux joker, parce que collée à la 4e couleur.

Sans saut au niveau de trois elle n'anoncera pas d'emblée plus de cinq cartes et sa zone sera en outre floue, bien qu'assumant 11H chez le répondant : l'enchère est forcing de manche. Avec une main très minimum, un joker (alors une collante en soutien avec deux cartes) pourrait être plus habile...

A saut au niveau de trois, cette répétition de la couleur d'ouverture montre un beau 6-4 (13H assez concentrés ou 14H+)

4. Répétition de la deuxième couleur

Comme déjà vu, cela rend la séquence forcing de manche. Le joker ou une répétition de la première couleur au niveau de deux seront parfois plus opportuns...

5. Soutien de la 4e couleur


6. Remarque

Cet ordre de priorité implique 2SA chez un ouvreur démuni de trois cartes dans la majeure de réponse mais pourvu d'une bonne demi-tenue dans la quatrième couleur, même avec seulement 12H ! Or ce 2SA rend la séquence forcing de manche malgré un répondant de 11H!. C'est le fameux débordement évoqué plus haut et encore débattu ci-dessous (C. II. in fine). C'est le prix à payer pour résoudre la problématique de l'arrêt dans la quatrième couleur. Autrement un répondant de 11H devrait enchérir 2SA au deuxième tour même sans arrêt.

II. Attitude du répondant

Le répondant n'a jamais le droit de passer. Ses enchères non forcing sont à 2, 2 et 2SA (voir plus haut sous B. III. et IV.), ses enchères forcing au-delà.

2 dans cette
unique séquence :
Ouest Est
1 1
1 2
2 2
10-11H, cinq cartes à Cœur (ou six d'une qualité insuffisante pour justifier un saut limit à 3* sur 1), pas d'arrêt Trèfle...

* Si la paire joue l'excellente convention de se débarrasser d'emblée de son unicolore limit par un saut à 2 sur 1, le saut à 3 sur 1 montre un unicolore de manche banal, ou plus fort avec une couleur banale ; tandis que le transit par 2 suivi de 3 montre une main très forte avec une couleur splendide (cette voie se substituant au saut immédiat à 2 du SIF, avec encore, conformément à la doctrine moderne, une couleur sixième de très bonne qualité).

Il est amusant d'observer qu'en Double Deux, où 2 est Texas pour 2, l'on produit cette même séquence pour un répondant de 10‑11H cinquième à Cœur et l'on joue 2 ! fût-ce en fit 5-2, quand l'ouvreur est minimum : aucun risque de débordement puisque celui-ci n'a pas le droit de répondre 2SA à 2 à moins de 18H !...

2 vient soit d'une répétition semblable, soit de ceci :
Ouest Est
1 1
1 2
2/ 2
où 2 indique trois cartes à Pique sans arrêt Trèfle
(ni, sur 2, cinq cartes à Cœur) (comme en DD!)

Pour 2SA, Lévy donne ceci :
Ouest Est
1 1
1 2
2 2SA
et explique « tenue dans la quatrième couleur et, par inférence, cinq cartes à Cœur »...

Mais que fait-on sans tenue Carreau, ni trois Piques ni cinq Cœurs ? genre 2434 de 11H et trois minuscules Carreaux ?...

Ne devrait-on pas plutôt convenir que l'arrêt Carreau reste douteux ? Et que l'explication de l'emploi de la 4e couleur, avec seulement 11H, réside précisément là, parce que 2SA sur 1 aurait, autrement, fait l'affaire malgré cinq cartes à Cœur ?...

Et que fait-on même avec cinq Cœurs (2533), toujours sans arrêt Carreau, quand 2 ne garantit pas trois cartes (joker), dès lors que 3, sur 2, est forcing ?...

Si l'on admet l'ambiguïté de la séquence (cinq Cœurs pas garantis), mais la certitude d'une absence d'arrêt Carreau (au lieu de la double certitude proposée par Lévy, cinq Cœurs et arrêt Carreau), 3, sur 2SA, sera-t-elle forcing ou sign off ?... Sign off, parce que 3SA sur 2SA lèverait toute ambiguïté : l'ouvreur donne la manche avec l'arrêt Carreau, donc aurait pu donner 2SA sur 2, donc détient trois véritables cartes à Cœur !

Comme déjà dit, il ne paraît pas opportun de transiter par la 4e couleur, avec seulement 11H, seulement en raison d'un Cœur cinquième. 2SA, directement sur 1, est plus simple et plus sain. Outre que l'on évite le débordement de la 4e couleur (2SA sur elle et manche avec 23H!), ce choix donne une solution au répondant démuni d'arrêt Carreau : il peut l'exprimer par la 4e couleur suivie de 2SA (pour 2SA l'arrêt n'est pas crucial ; il l'est pour 3SA) !

D. Séquences particulières

I. Le 1/1/1/1

Ouest Est
1 1
1 1

Le répondant n'utilise l'enchère de 1 sans quarte cartes à Pique que s'il remplit les conditions habituelles de la 4e couleur :
Mais 1 n'est en soi pas autoforcing, seulement forcing, et peut venir de 7-8H ! bien qu'en principe, avec une main faible, le répondant préfère répondre d'emblée 1, sur 1, malgré une longue à Carreau, sans préjudice d'un canapé à 2 au tour suivant sur 1SA de l'ouvreur.

1. Attitude de l'ouvreur

L'ouvreur réagit comme si l'enchère de 1 était naturelle, en se rappelant qu'elle n'est pas autoforcing et qu'il doit donner le plein de sa main :


2. Attitude du répondant

Le répondant peut passer sur toutes les enchères de l'ouvreur de 1SA à 3.

Ses enchères de 2, 2 et 2SA sont non forcing et seule cette dernière est encourageante, 10-11H, proposition de 3SA, y compris sur un 2 (pas une enchère d'essai puisque fit Pique nullement établi ; maintenant au contraire dénié ; comme l'arrêt Pique, pour expliquer 1 au lieu de 2SA directement !).

L'enchère de 2 est un relais forcing montrant une force à Cœur et doutant encore, par exemple sur 1SA, que 3SA soit le meilleur contrat. Le répondant ne peut pas détenir quatre cartes à Cœur dans une main faible, car il aurait soutenu à 2 sur 1!

L'enchère de 2 n'a guère de sens...

Et toutes les enchères du répondant du niveau de trois sont forcing ! Y compris :

Ouest Est
1 1
1 1
2 3
Dans l'idée qu'une main seulement limit
aurait d'emblée répondu 1 sur 1 !

II. La 4e couleur en bicolore cher (au niveau de trois ou en inversée au niveau de deux)

Forcing de manche. Y compris ceci :

Ouest Est
1 1
1 2
2 2SA
Parce que l'ouvreur est au moins en deuxième zone :
il aurait ouvert de 1 un 5-5 noir faible !

Le joker par la collante n'existe plus, parce que, la manche étant certaine, la question d'une économie de paliers n'est plus d'actualité. Mais comme l'ouvreur ne peut mentir sur l'arrêt dans la quatrième couleur ni répéter sa deuxième couleur sans la rallonger, il faut lui laisser une enchère « faute de mieux ». Ce sera la répétition de sa première couleur :

L'on appliquera cela sans difficultés aux exemples ci-dessous :

Ouest Est
1 2
2 2
  • 2SA
  • 3
  • 3
  • 3
Ouest Est
1 1
2 3
  • 3SA
  • 3
  • 3
  • 3
Ouest Est
1 2
2 3
  • 3SA
  • 3
  • 3
  • 3

 


L'excellent article de Lévy, résumé jusqu'ici, truffé de nombreux exemples pertinents et instructifs et disert en explications claires, s'appuie essentiellement sur les départs suivants :

Après la réponse de 1 :

Ouest Est
1 1
1 1
Ouest Est
1 1
1 2

Après la réponse de 1 :

Ouest Est
1 1
1 2
Ouest Est
1 1
1 2
Ouest Est
1 1
2 2

Après la réponse de 1 :

Ouest Est
1 1
2 2
Ouest Est
1 1
2 2
Ouest Est
1 1
2 3

Les paires qui ont habilement choisi de jouer le Double Deux peuvent oublier les quatre premiers départs, pour des solutions, en DD, plus simples et plus précises, et se concentrer sur les quatre derniers.

Les adeptes du CMD ont la vie encore plus facile qu'ils ne jouent la majeure cinquième que sur l'ouverure de 1 ! Ils jouent alors la 4e couleur forcing de manche, conformément au chapitre D. II. ci-dessus, sauf dans cette unique séquence :

Ouest Est
1 2
2 2
2 2SA
...conformément aux règles décrites plus haut sous litt. B. III. et IV.

Mais ici, contrairement au débat exposé sous C. II. in fine, 2SA dénie clairement tout arrêt Cœur, car seule explication du transit par la 4e couleur !

Cette clareté discrédite la pétition selon laquelle 2SA du répondant, après sa quatrième couleur, garantirait l'arrêt dans celle-ci ! Elle démontre au contraire qu'une règle générale, applicable à toutes les situations d'un 2SA subséquent à une quatrième couleur, n'est concevable que dans le sens d'une négation de l'arrêt !

 


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