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Nous avons choisi, essentiellement par goût, d'être « comptomaniaques ». Nous préférons une idée claire du compte et floue des honneurs au contraire. Il nous semble, mais ceci reste à démontrer, qu'une bonne connaissance du compte permet souvent de déduire l'emplacement et le genre des honneurs du déclarant et du partenaire (par inférences directes ou positives, indirectes ou négatives, par le jeu des hypothèses de nécessité et de crainte et par diverses pesées de coûts de risques), tandis qu'une bonne connaissance des honneurs ne permet pas aussi souvent la même déduction sur la distribution, de sorte que la priorité au compte donnerait plus souvent de meilleurs résultats que la priorité aux honneurs.
Cette méthode est exigeante parce qu'efficace que si aucune information n'est négligée. Celui qui l'adopte doit inlassablement tout compter, toutes les distributions et tous les points d'honneurs. Il n'est plus question de se laisser guider par son partenaire ou lui obéir, car les flancs ne se donnent pas d'ordres, mais se décrivent.
Nous aimerions bien être d'abord « souples », c'est-à-dire
capables de donner au partenaire l'information dont il a besoin, celle qui lui
est la plus utile au moment où elle est donnée : appel-refus
direct s'il a besoin de cela, appel-refus de préférence s'il s'agit
pour lui d'une information urgente ou importante, compte dans les autres cas.
Mais cela est source de graves confusions, partant délicat à gérer.
Nous le professons cependant comme règle générale, en précisant
que la situation doit être relativement claire et qu'en cas de doute le
signal émis ne déroge pas, le plus souvent marque le compte.
Principe cardinal : Jamais une carte « qui joue » pour signaler.
Le système que nous avons choisi s'appelle communément « Tendance Lavinthal ». Sous réserve de cas et règles particuliers, cette locution circonscrit à peu près nos choix.
L'idée de base (en dehors des règles spéciales et des cas où l'on déroge sciemment,
par urgence ou utilité) peut se résumer à ceci :
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(Ci-après le 10 n'est pas considéré comme un « honneur » et l'abréviation « H » vise un honneur pas immédiatement supérieur à la carte suivante)
1. Entamer et attaquer
Tête, à Sans-Atout, seulement avec trois honneurs (dont le 10, même le 9), fussent-ils interrompus, cinquièmes : RD1065, DV943, mais RD954, DV52, DV92, RD53 ; éventuellement RD9642.
Ce ne sont pas les conventions qui disent s'il faut entamer le 10 ou le 2, à Sans-Atout, avec H1092, mais les circonstances et les statistiques ! Idem pour HV102 : souvent le Valet, parfois le 2, lorsque l'on craint quatre cartes chez l'adversaire. Idem pour trois honneurs seulement quatrièmes.
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La carte « naturelle » est le 10. Mais votre partenaire ne saura pas si vous détenez le Roi de Pique ou de Carreau. Dans le premier cas il doit prendre et revenir, dans le second laisser aller à la Dame... Repartez bien plutôt du 3 ! Jouez, ici, « attitude », parce que, ici, votre partenaire a un urgent besoin de cette information-là et pas d'une autre (le compte est sans intérêt ici). Cela s'explique que nous sommes en tout début de coup. Et si vous aviez détenu R 10 9 8 ?! Vous eussiez bien été obligé de switcher du 10 ! C'est pourquoi de nombreux joueurs sont convenus, lorsque la localisation des honneurs n'est pas claire, bien qu'immédiatement cruciale, de jouer « 10 prometteur » et le 9 avec 10 9 8 7. |
L'on fournit ou défausse exactement comme l'on entame.
L'on défausse donc simplement la « carte naturelle », celle définie par les règles ci-dessus, à charge pour le partenaire, maintenant au courant du compte, de faire ses réflexions pour localiser les honneurs ! Et voilà tout !
Parfois cette défausse lui montrera l'honneur de V532 ou son absence de 5432 ; parfois le refus « couleur basse » de 5432. Pour autant qu'il se donne la peine de scruter les petites cartes de son partenaire et se pose en permanence la question « de quelle teneur exacte cette carte provient-elle ? ». Il ne perdra cependant pas de vue le principe cardinal qui complique encore : la carte naturelle « jouait » peut-être et n'a dès lors pas pu être sélectionnée !
L'on sélectionne bien sûr la plus basse des cartes équivalentes en fournissant et pour tenir (par exemple le 10 avec V10, même secs ; mais plutôt le 9 avec le doubleton 98). La tête de séquence reprend ses droits s'il ne s'agit pas de tenir (par exemple en second ou sous un honneur qui tient) : cette carte naturelle éclaire totalement la teneur de la couleur sans prétendre préférer ni donner le compte ; il est vrai qu'elle viendra plus volontiers d'un nombre pair de cartes que d'un nombre impair, où le 2 sera souvent préféré.
Un autre signal paraît parfois urgent ou plus opportun, ou est imposé :
Idem du résidu (3e-5e des cartes restantes), une autre carte valant refus de préférence.
Une (trop) petite carte marque non un intérêt à Trèfle, mais bien plutôt un désintérêt à Pique ! Il incombe au partenaire d'analyser dans quelle mesure le désintérêt à Pique implique un intérêt à Trèfle !
La neutralité (3e-5e du résidu, la préférence étant confiée à une autre carte) est la plupart du temps impossible (elle n'est possible qu'avec cinq cartes initiales, et jamais lisible !). L'on est donc presque toujours conduit à opérer un choix et c'est pourquoi l'on parle de « refus » de préférence, non d'« appel » de préférence : avec rien, l'on refuse là où le partenaire risque de causer le plus de dégâts !...
Mais prenons l'exemple, à Cœur atout, de celui qui fournit ou défausse successivement le 4 puis le 5 de Carreau, une succession qui frappe, saute littéralement aux yeux (parce que très visiblement contraire à la règle 3e-5e-2e du résidu) : le désintérêt pour Pique est alors si vif que l'on peut parler d'un limpide appel Trèfle !
Si le premier tour de la couleur a dû être consacré à une grosse carte, parce qu'il fallait tenir ou forcer, le second tour se substitue au premier :
la carte naturelle du résidu (3e-5e-2e) comme décrit plus haut !
en unique priorité, sans aucune option de préférence.
Il serait vain de croire que, par exemple après avoir dû fournir le Roi d'une couleur cinquième, ou tenu d'un tel, un retour du 2 préférerait Trèfle : cette carte tromperait sur le compte et précipiterait le partenaire sur le mauvais flanc, alors qu'un compte correct (la 2e de ce résidu de quatre petites cartes) aurait laissé intactes ses chances de dénicher le flanc Trèfle par ses hypothèses de nécessité ou de crainte ou ses diverses pesées de coûts de risques. L'on peut parfois jouer avec cela, lorsqu'il apparaît que le compte se dévoilera, partant que la « fausse » carte sera dévoilée avant que le partenaire n'ait à décider (singulièrement à l'atout ; ou lorsque le déclarant va couper le retour de la fausse carte).
Vain également de jouer Lavinthal direct là où les enchères auraient dévoilé le compte : les enchères ne dévoilent jamais le compte ! Qui n'a jamais soutenu avec deux cartes ? qui n'est jamais intervenu à la couleur avec quatre cartes ? Il serait regrettable que de telles initiatives conduisent automatiquement à un mauvais flanc ! Non, il convient de confirmer d'abord un compte seulement suggéré par les enchères. Convenir autrement, c'est encore instiller le doute dans chaque défausse et cela est malsain. Mieux vaut en dire peu mais le dire très clairement et sans le moindre doute. Et l'on préférera plus tard ! Trop tard ? Cela arrive...
Mais le tout sans préjudice d'une certaine souplesse : des circonstances particulières viennent parfois infirmer les règles et imposent de déroger. Si, en vertu de telles, il apparaît aux deux joueurs qu'un signal particulier est urgent et indispensable, si cela est patent, l'on déroge évidemment à son profit.
L'« attitude » se révèle donc, dans ce flanc, très secondaire. Cela exige un comportement très actif du joueur, qui ne peut plus se laisser guider par son partenaire, mais doit compter en permanence la ditribution de toutes les couleurs, compter toutes les mains, tous les points et échafauder des scénarios de possibilités pour les comparer, notamment comparer les coûts des mauvais choix pour choisir le moins coûteux en cas d'erreur (technique dite du « coût de l'erreur »), parfois (il a besoin de tops !) le plus lucratif en cas de succès. Si l'on n'est pas prêt à cela pour chaque donne, il vaut mieux choisir d'autres conventions de flanc (par exemple le flanc « attitude », communément appelé « 4e meilleure »).
Ce n'est donc pas un flanc à mettre entre n'importe quelles mains !
3. Casuistique
Ce qui est valable à l'entame l'est également, mutatis mutandis, à l'attaque.
a) A Sans-Atout comme à la couleur
Fournir le Roi sur l'entame de l'As : appel naturel avec RDV...
Fournir la Dame sur l'entame de l'As : carte naturelle avec DV10... ou DV secs. Et cætera : en principe pas d'appel de préférence avec les honneurs d'une séquence.
b) A Sans-Atout
L'attaque de l'As demande appel-refus (petit appel !).
L'entame du Roi demande le déblocage de tout honneur (y compris As et
Dame ; mais rien ne m'oblige à être bête : si le
mort est singleton ou dévoile un truc du genre Dix quatrième, j'ai le droit de
réfléchir et
déroger !), à ce
défaut
le compte. L'attaque d'un Roi (plus tard) demande le compte.
L'attaque de la Dame demande appel-refus (petit appel) et provient de RD10x ou RDx (on entame en principe petit avec RDxx : RD62 et RD72 !). S'il est patent qu'elle provient de DV9xx, le partenaire débloque son 10, à défaut marque le compte.
Le flanc qui, contre Sans-Atout, a le bonheur de détenir cinq cartes dans la couleur d'entame de son partenaire, revient, immédiatement si son honneur tient, sinon dès qu'il prend la main, de sa plus petite carte. Ce n'est pas le moment de finasser, mais bien de transmettre un signal clair : « Revenez ! ».
c) A la couleur
A l'attaque, l'As demande appel-refus (4e avec quatre petits !), le Roi le compte (2e avec quatre petits, 3e avec Vxx !).
L'entame d'un As dénie une valeur de coupe par un singleton (avec la séquence As-Roi et un singleton, l'on sélectionne le Roi dans l'idée de retourner ensuite le singleton).
Parité inversée à l'atout (la carte du milieu avec trois, fût-ce même, parfois, une assez grosse : elle suggère un atout supérieur !). Mais, notamment que cette couleur est jouée rapidement par le déclarant, elle sert aussi, parfois, à marquer une préférence (normalement : gros pour Pique, etc.). L'écho est aussi la marque d'une coupe ouverte ou d'un appel de coupe.
Le partenaire entame l'As d'une couleur fittée (par les enchères) où le mort détient :
Le partenaire entame l'As d'une couleur non fittée où le mort détient :
Le partenaire entame le Roi de As-Roi secs, que cela soit notoire (Dame au mort) ou visible (Dame en main) ou non :
Mais, perso, je conserve la règle générale en cas de doubleton du mort sur entame de l'As (appel-refus et appel qu'en cas de doubleton pour surcoupe ou uppercut ; certains appellent même avec la Dame pour une communication sous-marine, mais ce cas est trop rare pour fausser tous les autres).Règle n° 1 (utilisation de la carte préférentielle) :
Les cartes préférentielles s'emploient exclusivement lorsque deux conditions sont réunies :
- L'entameur reste en main ;
- L'entameur, le mort ou le déclarant sont connus singleton dans cette couleur.
Règle n° 2 (utilisation de la signalisation appel-refus) :
La carte fournie par le partenaire de l'entameur transmet un signal de type appel-refus lorsque, et seulement lorsque, les trois conditions suivantes sont réunies :
- L'entame est celle d'un As ou d'un Roi ;
- Le mort comporte exactement trois cartes dans la couleur ;
- Le mort ne comporte aucune des trois cartes immédiatement inférieures à la carte d'entame.
Parité dans tous les autres cas.
Mais attention ! cela ne vous dispense pas de rester vigilant :
- Vous détenez un doubleton 9 4 sur l'entame de l'As de votre partenaire et le mort trois petits : vous appelez du 9 parce que l'entameur, votre partenaire, est affiché avec As-Roi (sinon le mal est déjà fait !...) et que vous souhaitez qu'il continue du Roi et en rejoue pour votre coupe ;
- Même situation, mais cette fois l'entame est du Roi : vous refusez du 4 afin que votre partenaire muni de RD10x ne tombe pas dans As-Valet du déclarant quand celui-ci duque (attention au 9 automatique) !
Pour de plus amples explications (très claires quant aux fondements de ces règles), consultez l'article !
Ce système est simple et c'est ce qui fait sa force : il s'avère, par sa simplicité (1° compte, 2° préférence), souple et adaptable au plus grand nombre de situations et ne génère guère de confusions. L'on dit peu, souvent que le compte et rien des teneurs (la première défausse d'un 2 montre cinq cartes, mais ne dit pas s'il est accompagné de six points d'honneurs ou de zéro ! on n'appelle pas ! ni ne manifeste quelconque « attitude » !), mais l'on est certain, en face, de ce contenu. Le compte des mains est toujours possible et le reste en découle souvent.
Mais, comme déjà dit, il est exigeant...
Lévy, in Bridgeur 832, octobre 2009, pp. 64 et 65, conseille :
Le pair-impair est indispensable et permet à lui seul de résoudre
90 % des problèmes de flanc. Vous devez réussir à en faire
votre outil prioritaire et laisser au second plan les appels.
Cela ne l'empêche pas d'exposer, le mois suivant, ceci :
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Comment votre partenaire doit-il réagir sur ce Roi d'atout ? Lévy : « Le devoir d'Ouest est de vous signaler s'il a l'As de Trèfle ou l'As de Carreau par un appel direct ou par un refus inférentiel, en choisissant la carte la plus lisible. » Sans davantage argumenter. L'on peut argüer de diverses manières. Par exemple que vous avez signé ARx2 à l'atout parce que n'auriez jamais séché As-Roi d'atout et que votre pugnace et volontaire laissé-passer demande expressément une information cruciale ! Laquelle, d'après vous ?...! Observez que cela est conforme à notre vœu de souplesse exprimé plus haut, sous ce lien et sous celui-ci... |
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mh / janvier 2003 (m. à j. 2016) | Autres Documents |
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