Table des matières

 

L'ÉVALUATION DES MAINS

et

LA LOI DES LEVÉES TOTALES


On se réfère à Vernes, Bridge moderne de la défense, Paris, 1966

Jean-René Vernes a procédé à une étude statistique rigoureuses des deux mille cinq cents donnes des finales de la Bermuda Bowl disputées entre Italiens et Américains de 1957 à 1965. Il a résumé le résultat de ses travaux dans l'ouvrage mentionné ci-dessus, que je tente de résumer encore ici.

Le titre A, l'évaluation des mains, a un peu perdu de son actualité depuis la publication, en 1995, de L'Evaluations des Mains au Bridge, par Jean-rené Vernes et Bernard Charles qui, grâce à d'abondantes données et de nouveaux moyens (informatiques !), ont dégagé une méthode plus précise. L'on en trouvera un résumée sous ce lien.



(Bottom)

Table des matières :


A. L'Evaluation des Mains
I. Les points d'honneurs (H)
1. La méthode Milton Work
2. En outre
3. Remarques
II. Les points de distribution (DH)
1. La méthode Goren/Albarran
2. En outre
3. Remarques
III. Les points de soutien (DHS)
IV. Table de décision
V. Complément aux points de distribution

B. La Loi des Levées Totales
I. Résumé sommaire
II. Quelques applications
1. Le Contre d'appel
a) Les conditions du Contre d'appel
b) Les réponses au Contre d'appel
c) Le Contre d'appel du n° 4 (« en sandwich »)
2. Les interventions à la couleur avec saut
3. Le interventions à la couleur sans saut
a) Du n° 2
b) Du n° 4 (« en sandwich »)
4. L'adversaire ouvre au niveau de trois
a) Le Contre d'appel et le 3/3
b) Le 4/4
5. Le Contre de pénalité
III. Compléments 2000
1. Contrats partiels
2. Contrats de manche
3. Résumé
4. En général


A. L'Evaluation des Mains

I. Les points d'honneurs

1. La méthode Milton Work

En rappelant que, statistiquement :


2. En outre :

a) –– 1 Un point de moins pour chaque honneur sec, quel qu'il soit
b) – 1 Un point de moins pour chaque groupement de deux honneurs secs, quels qu'ils soient
c) + ½ Un demi-point de plus pour la combinaison ADV
d) – 1 Un point de moins si la main ne comporte aucun des huit éléments de l'ensemble formé des quatre As et des quatre 10
e) + 1 Un point de plus si la main en comporte quatre ou davantage (quatre As, ou trois As et un 10, ou deux As et deux 10, etc.)
f) « Lorsqu'il apparaît que le coup sera joué à la couleur, on obtient un compte légèrement plus précis en ajoutant au compte 4-3-2-1 » (il faut sans doute entendre par là : à la place des litt. d et e ci-dessus) « un demi-point pour chaque As et pour le 10 de la couleur d'atout et en défalquant, au contraire, un demi-point pour chacun des petits honneurs (Dame et Valet) des couleurs autres que l'atout. »

3. Remarques :

La liste ci-dessus (ch. 2 litt. a à f) est exhaustive.

Les lettres a et b s'entendent sans préjudice des points de distribution : lorsque, plus bas, l'on indiquera (à titre d'astuce, pour évaluer globalement une distribution donnée) qu'un singleton vaut deux points ou un doubleton un point, cela viendra indépendamment du calcul ci-dessus (par exemple, un Dame sèche sera comptée deux points moins un point au titre des points d'honneurs et deux points au titre du singleton, soit trois points en tout ; un As sec en vaudra en tout cinq, 4–1+2 ; Dame-Valet secs trois, 2+1–1+1 ; As-Roi secs sept, 4+3–1+1 ; etc.).

Le compte des points d'honneurs s'applique aussi bien à l'ouvreur qu'au répondant et aux joueurs de la défense (à l'inverse de ce qui est dit plus bas : le compte des points de distribution ne s'applique en principe pas au répondant).

II. Les points de distribution

1. La méthode Goren/Albarran


2. En outre :

a) Un point pour chaque sixième carte d'une couleur et au-delà
b) Chaque singleton vaut encore un point de plus s'il s'agit de jouer à la couleur, mais un point de moins s'il s'agit de jouer à Sans-Atout
c) La distribution 4432 ne tire sa valeur que de la double chance qu'elle donne de trouver un fit dans l'une de ses couleurs quatrièmes. Une fois le contrat final atteint, à la couleur ou à Sans-Atout, elle vaut à peine plus (moins d'un demi-point) que la distribution 4333

Tout cela aboutit au tableau suivant :

[pts D]A l'ouverture :A la couleur :A Sans-Atout :
4333000
4432100
5332111
5422222
5431231
6322333
6331342
6421453
5521342


3. Remarques :

Ces calculs sont également valables à Sans-Atout, mais seulement s'ils ne s'appliquent qu'à une seule des deux mains, la mieux distribuée. Ils ne s'appliquent donc en principe pas au répondant puisque son partenaire y a déjà procédé !

A moins cependant que ce répondant ne connaisse une distribution plate chez l'ouvreur ou, plus généralement, ne sache qu'il est mieux distribué et ne soit en mesure de procéder à la correction : par exemple, une couleur sixième en face d'une ouverture de 1SA vaut bien deux points de distribution (parfois davantage : songeons à RDVxxx en mineure qui commandent 3SA !) ; comme un 7H-5332, même non fitté, qui vaut bien 8DH ; ou un 9H-5332 ou 4432 qui valent bien 10DH ; mais un 14H-4432, non fitté en majeure, ne mérite pas l'enchère de 4SA, malgré l'espoir de fit mineur 4-4 ; et un 7H-4432 ne mérite 2T qu'en match et avec une majeure quatrième correcte...

Lorsque le répondant est soutenu, chacun réévalue sa main : le répondant soutenu évalue maintenant sa main en points de distribution, l'ouvreur en points de soutien (ce qui fait parfois aboutir celui-ci à une main plus faible qu'à l'ouverture ! voir ci-dessous).

Mais, après une ouverture de un à la couleur, une main 4432 ou 5332 ou encore 5422 non fittée ne vaut guère, en réponse ou en deuxième réponse, que ses points d'honneurs, de sorte que, avec 10H seulement, elle n'atteint pas la zone « limit » (l'on peut hésiter avec une belle couleur cinquième). Elle l'atteint sans doute avec une couleur sixième de 9H, parfois même de 8H, mais il vaut alors mieux répéter cette couleur en séquence « limit » (si cette enchère est disponible).

III. Les points de soutien

Le joueur qui soutient la couleur nommée par son partenaire, qu'il s'agisse de l'ouvreur ou du répondant, ajoute à ses points d'honneurs la différence entre le nombre d'atouts et le nombre de cartes de sa couleur la plus courte, sous deux exceptions :

Comme déjà dit, il arrive que l'ouvreur, évaluant sa main ainsi, parce qu'il soutient maintenant le répondant, découvre une main plus faible qu'à l'ouverture : il avait alors compté pour deux points ses deux doubletons, par exemple, mais dès lors qu'il soutient avec l'un d'eux l'unicolore du répondant, il n'ajoute plus rien à ses points d'honneurs : 2–2=0 ! Mais vrai est-il que, à ce stade, l'expérience, ou la visualisation de l'autre main — par ses compositions possibles compte tenu de sa fourchette de points —, remplacent avantageusement un décompte de points...

IV. Table de décision

(Nombre de points nécessaires pour la réalisation d'un contrat donné)

Les systèmes d'enchères ne permettent pas de zoner le camp à un point près. D'où :

Total des
deux mains
 :
Contrat :Remarques :
26-27 DH(S)3SA
4C/P
25-26DH(S) est insuffisant, les 50% de chances de réussite nécessaires n'étant plus atteints (les 40% de la manche vulnérable en match le sont-ils ?)
25-26 H3SA24-25 H si l'une des mains compte 12 H
29-30 DHS5T/KMais, à ce niveau, la localisation des honneurs prend de plus en plus d'importance : utiles, ils permettront le gain à partir de 28-29DHS
33-34 DHS6 XMême remarque que ci-dessus : un camp bien fitté, sans points perdus, gagnera souvent six à partir de 32-33DHS (même bien moins dans des cas exceptionnels) ; l'importance de cela s'accroît encore en matière de grand chelem, où l'on attend souvent de visualiser les treize levées !
Au poids, il faut, pour 7 X, 36-37 DH(S)

Les points des manches tiennent compte du taux de réussite requis de 50%, tandis que ceux des chelems se basent sur un taux, approprié, légèrement plus élevé.

V. Complément aux points de distribution

Davantage pour expliquer certains résultats singuliers en présence de bicolores excentrés que pour évaluer une main au moment où cela est utile, l'on peut encore ajouter ceci aux points de distribution :

Bicolores à honneurs exclusivement concentrés dans les deux couleurs :

Mais cela n'a de sens que si un fit est découvert parce que, si le partenaire détient un bicolore inverse, notamment, la main ne vaut plus grand-chose. Et si un tel fit est découvert, l'on raisonnera mieux en visualisant les honneurs du partenaire qu'en comptant des points ! Il semble alors plus opportun d'évaluer en « perdantes » et en « couvrantes ». Le rajout peut toutefois donner, à l'ouverture déjà, une idée du potentiel d'attaque de la main (valeur virtuelle)

B. La Loi des Levées Totales

Jean-René Vernes, bridgeur, philosophe et mathématicien français, a procédé à une étude statistique rigoureuses des deux mille cinq cents donnes des finales de la Bermuda Bowl disputées entre Italiens et Américains de 1957 à 1965. Il en a tiré la méthode dégagée ci-dessus (aujourd'hui dépassée) et la loi résumée ci-dessous.

I. Résumé sommaire

On peut donner une expression partielle et simplificatrice de la Loi comme ceci: trois atouts en soutien permettent d'élever d'un niveau l'intervention du partenaire, quatre atouts de deux niveaux, etc. Il s'agit plus précisément de ceci (voir encore, plus bas, les compléments 2000) :

Le nombre de « levées totales » — la somme du nombre de levées que chaque camp va réussir dans sa couleur d'atout, ou l'un à l'atout et l'autre à Sans-Atout — est égal à la somme des atouts des deux camps. Si un camp doit jouer à Sans-Atout, ce nombre est égal au nombre d'atouts de l'autre camp plus 6 si ce camp fitté n'est pourvu d'aucun singleton, plus 7 s'il en a au moins un et plus 8 s'il est pourvu d'une chicane.

L'on peut en conséquence, en enchères compétitives (là où les points sont plus ou moins, de 17 à 23, répartis entre les deux camps), demander autant de levées (« odd tricks ») que le camp détient d'atouts, plus un en présence d'une chicane dans le camp. Une différence de trois points d'honneurs modifie la règle d'une unité dans un sens ou dans l'autre : avec 24H dans le camp, l'on peut élever les enchères d'un niveau supplémentaire.

Il en découle également que l'on peut surenchérir contre 1SA avec huit atouts et un singleton ; partant réveiller avec cinq cartes (et un singleton !), qui donnent des chances suffisantes de trouver un fit huitième, et intervenir avec six cartes et un singleton dans une main de force banale (dès 12DH, c'est-à-dire 9H !).

Astuce : L'on peut connaître aisément le nombre de levées totales en ajoutant son Delta à la constante treize ou, mieux, le Delta du camp (la somme de son propre Delta avec celui du partenaire, si on le connaît).

(Le « Delta » [ Δ ] est la différence entre le nombre de cartes de sa couleur longue et le nombre de cartes de la couleur d'ouverture ; ou de la couleur du fit de son camp et de la couleur du fit adverse.)

II. Quelques applications

1. Le Contre d'appel

(Ci-après, le premier élément, souligné, d'une distribution vise la couleur d'ouverture ; s'ils sont deux, ils visent les deux couleurs de l'adversaire ; des parenthèses indiquent que l'ordre de leurs éléments est indifférent)

a) Les conditions du Contre d'appel

On le voit, le Contre trouve une justification essentielle dans la courte de la couleur d'ouverture.

Les mains 4333 de quatorze ou quinze points d'honneurs posent donc des problèmes délicats. Sur l'ouverture de 1C il faut plutôt choisir entre Contre et 1SA et, sur l'ouverture de 1P, entre Passe et 1SA. Encore plus délicats les 3(442) et les 2(542) en raison du doubleton extérieur.

15H-4(522) : choisir entre 2/1 et 1SA ; Passe avec moins de points.

1SA, sur l'ouverture de 1P, avec ceci :
P  V 4 3
C  R 6
K  D V 10 8 7
T  A R 8
(1959-81)

L'arrêt n'est ainsi pas une religion : chuter 3SA de temps à autre n'est pas la mort d'un cheval, tandis que le Passe, avec quinze à dix-sept points d'honneurs, produit souvent de bien mauvais résultats (ici, les levées que produiront les Carreaux, ou la possibilité de repli à 2K, compensent la faiblesse en points d'honneurs ; le risque du Passe à considérer réside autant dans la difficulté de retrouver une bonne partielle que dans l'« empaillage » d'une manche ! c'est dire que, vulnérable, le Passe est encore plus risqué !).

Sur cette donne, 1SA a donné un bon résultat parce que le camp de son auteur a pu jouer 2T, seul contrat gagnant ! (mais, de nos jours, on n'est plus capable de jouer ce contrat...).

b) Les réponses au Contre d'appel

Cela implique :


c) Le Contre d'appel du n° 4 (« en sandwich »)

Le n° 4 peut contrer d'appel à partir de 11DH dès lors qu'il présente un 4-4 ou un 5-4 dans les deux couleurs non nommées et un singleton dans l'une des deux nommées (13(54) ou 1444), mais seulement à partir de 14/15H sans singleton(2344). Si le répondant soutient l'ouvreur, le Contre d'appel du n° 4 n'est pas plus fort que sur l'ouverture.

2. Les interventions à la couleur avec saut

Au niveau de deux :Six cartes, 10-12DH, ou à peu près n'importe quel Delta 5
Au niveau de trois :Belle couleur et Delta 5, ou à peu près n'importe quel Delta 6
Au niveau de quatre : Deux gros honneurs huitièmes, ou à peu près n'importe quel Delta 7
Au niveau de cinq :13DH et Delta 8

3. Les interventions à la couleur sans saut

a) Du n° 2
1/1 :Cinq cartes, maximum 17DH (18 avec un singleton, 19 avec un 5-5) ou 16H.
2/1 :Six cartes, 13-19DH (si 13DH dans une couleur laide, genre Valet sixième creux : Delta 5 ; Delta 4 si la couleur est belle ; 11DH si tout est réuni : belle couleur sixième et singleton dans la couleur d'ouverture), ou cinq belles cartes, 13H (mais 11H si Delta 5).
Maximum 19-20DH à Trèfle ou Carreau, 17DH à Cœur.

b) Du n° 4 (« en sandwich »)

Les interventions du n° 4 sont à peine plus sérieuses : cinq belles cartes ou six cartes, sans autre différence.

Si le répondant soutient l'ouvreur, le n° 4 peut nommer une couleur cinquième au niveau de deux à partir de 12DH et sixième au niveau de trois à partir de 14DH.

4. L'adversaire ouvre au niveau de trois (ou plus sous litt. b)

a) Le Contre d'appel et le 3 / 3

Le Contre d'appel n'est pas plus fort que la nomination d'une couleur. De même si, après le Contre sur 3T et une réponse au Contre à 3K, l'auteur du Contre nomme une couleur majeure au niveau de trois (parce qu'il était 6-4 ou 6-5 en majeures).

Le Contre exige 11H avec un singleton dans la couleur d'ouverture, 13H avec un doubleton et 15H avec un tripleton (avec 9H et une chicane, le risque d'un Passe général est trop grand).

Une couleur au niveau de trois exige une couleur longue ou un bon Delta et 9H avec un Delta 5, 11H avec un Delta 4, etc.

En résumé, sur l'ouverture de 3T :


H3 / 3Contre
teneur de la couleur
d'ouverture :
9Δ 5---
11Δ 4x
13Δ 3x x
15Δ 2x x x
17Contre ou 3SA

Là-dessus le partenaire n'entreprend action (soutien ou saut sur le Contre) qu'à partir de 10DH.

b) Le 4 / 4

Un 4/4 (intervention au niveau de quatre sur ouverture du niveau de quatre) exige un Delta total de 5, un 5/4 en exige un de 6 et un 5/5 de 7 et, vulnérable, une main d'une puissance équivalente à celle de l'ouvreur de quatre ou cinq.

5. Le Contre de pénalité

En vertu de la Loi des levées totales, le Contre de pénalité doit :

Mais règle de six si 23-24H dans le camp du contreur et de cinq si 25-26H (mais là une manche est vraisemblable : l'adversaire doit être seul vulnérable).

En gros, une différence de trois points d'honneurs dans le camp, dans un sens ou dans l'autre, modifie la règle de sept d'une unité : l'on peut aussi contrer avec une somme de huit et 16-17H ou une somme de neuf et 13-14H dans le camp.

Tout cela est basé sur le pronostic que le partenaire du contreur est singleton à l'atout. Il songera donc à enlever le Contre s'il y est chicane. A l'inverse, s'il a promis deux atouts, par exemple en nommant Sans-Atout, le contreur peut opérer une rectification (règle de six à 19H, etc.).

Les « Contre individuels » (« Contre absolu » ou « Contre psychologique ») ne méritent aucune théorie particulière, tandis que les Contre des contrats à Sans-Atout sont rares et s'expliquent par analogie.


III. Compléments 2000

Résumé des huit premières pages de l'ouvrage de Vernes, Bridge distributionnel, Brive-la-Gaillarde, 2000

1. Contrats partiels

Considérons une paire qui demande, en enchères compétitives, 2P dans son fit huitième contre le fit huitième à Trèfle de son adversaire.

Seize atouts (huit dans chaque camp) font seize levées totales : le plus souvent chacun des deux contrats de 2P et 2T gagne. Parfois 3T gagne où 2P chute ; ou 2T chute d'une quand 2P gagne avec une surlevée. Parfois également, mais plus rarement, les seize atouts feront quinze ou dix-sept levées totales.

L'expérience et les études statistiques enseignent que la surenchère à 3T, sur 2P, est profitable : 3T – 1 sera souvent meilleur que 2P = ; parfois même 3T – 2. Et il arrive que 3T gagne.

L'on peut donc ajouter à la Loi des Levées totales une

Règle 2 — Il est généralement justifié, en cas d'enchères compétitives, de demander une levée de plus que ne laisse prévoir le nombre probable de levées totales.

Sur 3T, le camp fitté huitième à Pique doit-il également surenchérir ?

Non. Il est probable que les deux contrats (3T et 3P) chutent. Si 3T gagne, 3P chute très souvent de deux levées. Demander 3P reviendrait à demander deux levées de plus que ne laisse prévoir le nombre probable de levées totales (18 levées pour 16 atouts). D'où :

Règle 3 — Lorsque les contrats sont tous deux des contrats partiels, il faut éviter de demander deux levées de plus que ne laisse prévoir le nombre probable de levées totales.

Concrètement, et de manière simplifiée, il faut huit atouts pour un 3/2, mais neuf pour un 3/3 !

2. Contrats de manche

Considérons maintenant un ouvreur de 1P muni de six cartes à Pique, un intervenant à 2C muni de six cartes à Cœur et des partenaires fittés troisièmes, soit dix-huit atouts pour dix-huit levées totales. La suite naturelle des enchères se présente ainsi :


Nord Est Sud Ouest
1P 2C 2P 3C
3P 4C 4P ?  

3P vient de la règle de base (le sixième Pique de l'ouvreur fait neuf atouts et assure la sécurité distributionnelle du niveau de trois), 4C de la règle 2 (« une levée de plus que ne laisse prévoir... », neuf atouts pour un 4/3 !), mais 4P semble contraire à la règle 3 (« il faut éviter de demander deux levées de plus que ne laisse prévoir... » ; dix atouts pour un 4/4 !)

Les primes de manche viennent cependant modifier les statistiques en raison du risque de succès du contrat de 4C — et du coût élevé de ce risque —, et des chances de celui de 4P — et de son bénéfice élevé ! D'où :

Règle 4 — Lorsque les contrats demandés sont tous deux des contrats de manche, il convient le plus souvent de demander deux levées de plus que ne laisse prévoir le nombre total des atouts.

Enfin, les statistiques enseignent que 5C, sur 4P, n'est pas profitable (gain seulement si Nord-Sud réalisent précisément dix levées rouge contre vert !). 5C reviendrait à demander trois levée de plus que ne laisse prévoir le nombre total des atouts : 21 levées pour 18 atouts. D'où :

Règle 5 — Même lorsque les contrats demandés sont tous deux des contrats de manche, il convient généralement de ne pas demander trois levées de plus que ne laisse prévoir le nombre total des atouts.

3. Résumé


4. En général

En pratique la difficulté réside dans l'évaluation du nombre total des atouts des deux camps. La référence au Delta, et à son astuce (Δ + 13), s'avère efficace.

Si le Delta du camp (somme des deux Delta de la paire) est connu, cette technique s'avère même plus fiable, pour déterminer le nombre de levées totales (= Δi + Δp + 13), que le nombre total des atouts ! Parfois, suivant les circonstances et comportements, l'intervenant pourra évaluer un Delta positif (a priori, au moment de l'intervention, nul) chez son partenaire...

Cela explique qu'un bon Delta compense un défaut de longueur, pour l'intervenant comme pour son partenaire : celui-ci peut par exemple soutenir l'intervention avec un doubleton d'atout mais un singleton dans la couleur adverse ! Ou, dans la même idée, pour revenir à l'exemple initial, l'on peut envisager, avec un tel singleton, un 3/3 avec seulement huit atouts !

Ne perdons maintenant pas de vue que les règles qui précèdent ne sont que des règles de base, valables dans la moyenne des cas, mais qu'il convient de tenir compte d'un nombre appréciable de facteurs annexes.

Notons seulement que le nombre des levées totales est légèrement plus grand :

Le premier tiret permet de mieux comprendre pourquoi les résultats statistiques des barrages sont bons :

(l'on peut se référer, dans le même esprit, aux interventions en 2/1 : six cartes quelconques ou cinq belles...)
A cet égard, les restrictions de la doctrine française classiques sont excessives.



Ce qui précède est un résumé que j'espère fidèle de l'ouvrage mentionné en titre. Très résumé : neuf pages A4 pour un ouvrage de trois cents pages ! Cela a nécessité des raccourcis qui ont fatalement, ici ou là, trahi la pensée de l'auteur. Il ne m'en voudra pas, sachant que ce fut involontaire et seulement dû à la concision, non à des touches ou opinions personnelles. Le ch. A.V provient d'un autre article (in Revue française de Bridge, années soixante-dix) du même auteur et le ch. B.III. de l'ouvrage mentionné (Bridge distributionnel).

Il existe d'autres méthodes d'évaluation. La préférence de l'Université du Bridge (SEF) va, pour le moment, à la méthode HL ou HLD (points d'honneurs plus points de longueurs). Mais ces méthodes, empiriques, et bien qu'aboutissant à des résultats souvent identiques, ne semblent pas jouir des mêmes appuis statistiques que celle de Vernes...

La méthode HLD a cependant été complétée, à partir de 1995, par les résultats des travaux de Vernes et Charles, publiés in L'Evaluation des Mains au Bridge, Brive, 1995, mais n'a pas tenu compte de l'ensemble de ces résultats.

L'on peut désormais se référer sans réserve, et l'appliquer sans réserve, à la nouvelle méthode dégagée par ces auteurs, que l'on trouvera brièvement résumée sous ce lien.

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