Rx
ARD10
x
A108xxx
ADxxx
xx
RDxx
RV
Donne numéro 80

Vulnérabilité : Personne
Type de tournoi : Tournoi en Cross-IMP


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 R x

 A D x x x

 A R D 10

 x x

 x

 R D x x

 A 10 8 x x x

 R V

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Entraînement national, Lausanne, 1998 (sic). La séquence de Roy et Gojko:

WE
11
23
34
44SA
55
6fin

Sur 5C, Gojko en est hésite et cela se voit malgré le paravent. Le fait est admis. Les Piques sont 3-3 et le contrat gagne. Appelé, l'arbitre corrige à 5P + 1.

Devant le comité d'appel, duquel j'avais l'honneur de faire partie, Roy et Gojko expliquent ainsi leur séquence:

3 :Fit Pique troisième, plutôt même avec un gros honneur
4 :Contrôle et rencontre d'honneur, genre R x
4 :La vie est belle
5 :Deux clés sur cinq...
Gojko explique que, avec ses 16DH en face d'une inversée fittée troisième, il se croyait en route pour le grand chelem et qu'il lui a bien fallu vingt secondes pour réaliser qu'il manquait deux clés, le temps de bien se rappeler 30-41-2-2D et de recompter trois fois. Cela se comprend.

Roy n'explique pas pourquoi il a répondu 5C avec trois clés autrement qu'il s'est trompé et aurait dû répondre 5T. Sur 5P, il corrige son erreur en vertu de sa clé surnuméraire.

Les deux concluent à 6P égal. Mais le comité d'appel les déboute à deux voix contre une.

Mes collègues, comme l'arbitre, étaient encore sous le coup d'un récent article d'une publication internationale qui fustigeait un joueur (appelons le Nord) qui avait questionné puis, sur la réponse, hésité avant de se contenter d'un 5P et son partenaire (appelons le Sud) qui avait mis le sixième. Si la réponse avait montré l'absence de deux clés, Nord aurait conclu à 5P sans hésiter et Sud n'aurait pas bronché. Mais elle avait montré l'absence d'une seule clé et Nord s'était encore demandé s'il fallait appeler le chelem: «Ne vais-je pas perdre en outre la Dame d'atout ou quelque Roi extérieur? Telle couleur sera-t-elle bien répartie? N'aurais-je pas pu trouver ce chelem par une autre voie?» etc. (c'est vrai que s'il s'interrogeait encore, c'est qu'il n'avait pas choisi la bonne voie!). Sud, muni de tout ce qu'il fallait (les Rois extérieurs nécessaires, la Dame d'atout, Dame-Valet de la couleur secondaire, que sais-je), comprit bien la situation et n'eut aucun mal à ajouter le sixième. L'on comprend bien que cela ne soit pas permis comme l'on comprend l'énoncé en vertu duquel une hésitation sur la réponse au Blackwood suivie de la manche interdit l'appel du chelem en face. Mais l'on ne peut pas appliquer de tels adages les yeux fermés sans reprendre les règles, et chacune de leurs étapes, dans leurs structures et leurs fondements. Essayons, car appliquer le Code n'équivaut pas à appliquer des recettes de cuisine!

Dans le cas de cette paire «Nord-Sud», il y a eu «acte illicite» (ou «infraction aux Lois»; voir donnes 76 et 78) comme ceci.

La Loi 16 dispose que «les joueurs sont autorisés à fonder leurs déclarations et jeux de la carte sur des informations provenant de déclarations ou de jeux légaux ou de maniérismes des adversaires. Fonder une déclaration ou un jeu sur une autre information, illicite, peut être une infraction aux Lois». Puis elle donne la liste, non exhaustive, de faits qui peuvent transmettre ce qu'elle appelle une «information illicite» (souvent abrégée «UI» pour unlicit information), notamment l'hésitation flagrante du partenaire ou l'équivalent. Puis précise que si «un joueur rend perceptible à son partenaire une information illicite pouvant suggérer une déclaration ou un jeu, celui-ci n'est pas autorisé, parmi les différentes possibilités logiques d'actions, d'en choisir une qui aurait pu indiscutablement avoir été suggérée, plutôt qu'une autre, par cette information illicite.»

Chacun aura compris que l'hésitation, en soi, ne constitue pas un acte illicite, ni même l'information qu'elle transmet: seule l'utilisation de celle-ci est prohibée et peut donner lieu à marque ajustée.

Dans le «cas Nord-Sud», Sud a bien compris l'UI transmise: il ne manque pas deux clés, mais un petit quelque chose, et il l'a bien utilisée: «j'ai le petit quelque chose qui manque, donc je mets 6P». L'acte illicite est réalisé et il est bien la cause directe et adéquate d'un dommage patent. La correction s'impose. Et dans notre cas?

Mes deux collègues du comité d'appel, l'un champion de la région lémanique, Champion suisse par Paires et par Equipes, l'autre quelques fois arbitre de compétitions homologuées FSB, récemment auréolé d'un grade français envié en matière d'arbitrage, m'expliquaient que tout cela était clair, avait fait l'objet d'un récent séminaire d'arbitrage d'où il ressortait clairement que l'hésitation en cause interdisait formellement et sans exception le 6P subséquent, que seul peut-être un «motif technique» pourrait le tolérer mais qu'un tel n'était «évidemment» pas réalisé (mais sans dire le contenu de cette notion, apparemment sans le connaître!). Voyons.

Examinons les éléments constitutifs de l'acte illicite, un par un et méthodiquement (ainsi qu'il convient!):
-- Y a-t-il eu UI?
-- Quel était son contenu?
-- A-t-elle été émise et reçue?
-- Ouest l'a-t-il utilisée (a-t-il choisi une action indiscutablement suggérée par elle)?

L'hésitation d'Est se comprend. Son explication est crédible et «tient la route»: moi aussi, à sa place, je me serais cru en route pour le grand chelem et aurais été surpris, pour ne pas dire plus, par la réponse de 5C, et aurais également accusé le coup par un temps de réflexion et vérification des données. Quel est le contenu de l'information émise par cette hésitation, qui s'explique et paraît normale? (mes collègues n'ont pas su me l'expliquer!). Une chose est sûre: elle ne signifiait pas qu'il ne manquait pas deux As puisque, du point de vue d'Est, il en manquait précisément deux! Ni qu'il lui aurait manqué un petit quelque chose (quoi?) puisqu'il avait --- fort logiquement --- le grand chelem en vue! Or déterminer précisément le contenu de l'information illicite est fondamental pour la suite (par exemple Ouest a-t-il compris ce qui manquait à Est? a-t-il ajouté le sixième en fonction de cela et détenait-il ce petit quelque chose manquant?). De mon point de vue, ce contenu est vide: je ne vois pas ce qu'Ouest, eu égard à ses cartes, a bien pu comprendre de l'hésitation (en particulier pas que le fit risquait d'être un peu faiblard puisqu'il ne l'a pas craint malgré son Roi seulement second! une absence de contrôle Carreau? Est n'est pas homme à questionner sans lui!). J'en déduis qu'il n'y a pas eu d'UI.

Supposé cependant une telle: en quoi, concrètement, l'hésitation d'Est a-t-elle poussé Ouest à mettre le sixième?... Je ne vois pas (mes collègues non plus, mais...!). L'action de déclarer 6P, plutôt qu'une autre, fut-elle indiscutablement suggérée par ce contenu? Ouest a expliqué que son action fut motivée par son erreur préalable: il avait dénombré par erreur deux clés au lieu de trois et entendait corriger cette erreur (malgré les risques de cette correction, qu'il assumait bien évidemment: il aurait encore pu manquer deux clés! ce n'est pas possible dans le contexte? je vois que nous sommes d'accord!). Cette explication est convaincante, de sorte que l'action apparaît résulter de l'erreur préalable et de la volonté de la corriger et non de l'hésitation: «je déduis logiquement de l'enchère de 5P, sans rien déduire de l'hésitation, que mon partenaire croit qu'il manque deux As; il se trompe, car j'en ai un de plus qu'annoncé et cela me permet d'ajouter le sixième». C'est sans doute cela le «motif technique» dont mes collègues avaient entendu parler sans le comprendre: il y a notamment motif technique lorsque la réponse précédente dénombrait incorrectement, singulièrement une clé de moins que la réalité.

Ni UI, ni émission ni réception, ni utilisation illicite. Pas d'acte illicite (pas d'«infraction aux Lois»), partant pas de correction de la marque. Le comité d'appel a eu tort.

Je vous raconte encore ce cas dont mon équipe fut la victime.

Patton de Lausanne, à la même époque. Mon partenaire et moi, vulnérables, sommes en pleine attaque et fittons nos Cœurs pendant que nos adversaires fittent leurs Piques. Sur mon 4C, mon adversaire de gauche défend à 4P et mon partenairte hésite avant de passer. Je contre pour 500 (au lieu de 800 en raison d'une mauvaise entame). Appelé, l'arbitre constate que 5C gagne (pour 650; score de l'autre table) et maintient; puis se ravise, considérant que mon Contre avait été suggéré, au profit de 150 ou 200 (je ne me rappelle plus leur vulnérabilité). Le comité d'appel, composé notamment d'un authentique champion français, approuve. C'est vrai que l'hésitation avait suggéré le Contre, de sorte qu'un 800 aurait dû être corrigé. Mais le comble de l'histoire, c'est que, plus tard dans la séance, le champion m'approcha pour me faire savoir qu'il s'était enquis de l'opinion de quelques bons joueurs et qu'aucun n'aurait (sans l'hésitation) contré, mais que tous auraient mis 5C! J'en déduis que personne n'aurait passé!

Ici l'UI existe et je l'utilise pour contrer. Mais cette action, par rapport à l'action normale (principe du «coût de l'enchère»: manquer 650 est plus cher qu'une de chute à 5C là où 4P chute d'une!), s'avère défavorable à nos couleurs. Il faut analyser la cause en «pas de dommage» (voir donnes 76 et 81) pour maintenir le score (voir aussi l'énoncé tout à fait clair de la Loi 16 litt. A ch. 2 i.f.: «L'arbitre demande que les annonces et le jeu continuent, se tenant prêt à attribuer une marque ajustée s'il considère que l'infraction à la Loi a causé un dommage»). La confidence du champion était un aveu qu'il n'a pas compris. Car l'on ne peut pas imposer une enchère absurde (Passe), que personne ne fait, pour corriger une enchère suggérée (Passe ne fait pas partie des «différentes possibilités logiques d'actions» de la Loi 16 litt. A 1re phr.). Ou alors l'on cherche à punir par la bande, à prononcer une sanction disciplinaire sans le dire. Mais dans ce cas, l'adversaire ne doit pas en bénéficier...

Que penser de tout cela?

Toutes ces notions sont très techniques et bien difficiles (v. d. 76 et 78), de sorte qu'il est normal que des erreurs soient parfois commises ou que les joueurs, qui composent les comités locaux d'appel (CLA), ne les connaissent pas toujours toutes parfaitement. Ce qu'il faut regretter, c'est que la Fédération fasse obstacle aux recours, pourtant prévus par le Règlement technique (RT), au lieu de les encourager: d'abord il faut verser une caution, certes modeste, au CLA pour appeler la décision de l'arbitre (comme si un bridgeur appelait par pur esprit de chicane!), puis, pour faire appel au comité national d'appel (CNA), en verser une bien plus substantielle, qui n'est en principe pas restituée (art. 45 al. 3 RT); et enfin de tels appels sont si rares qu'ils ne peuvent être que mal vus.

La technicité de l'arbitrage et les compétences des intervenants ne s'amélioreront pas tant que sera maintenue l'idée, d'un autre âge, ancrée à l'art. 45 al. 2 RT, que «le C.N.A. n'est pas tenu de communiquer les motifs de ses décisions». Cela nous rappelle la justice des Pontifs de la Rome pré-classique (jusqu'au IIIe siècle av. J.C.): le droit ne s'améliorera et n'acquerra sa technicité que lorsque les décisions de justice seront motivées et communiquées au public (Rome classique, à partir du IIe siècle av. J.C.; cela apparaît même plus important que sa laïcité, qui ira de paire). La publicité de la justice est une notion essentielle des constitutions républicaines. Elle est un élément de contrôle, de confiance («apparence d'impartialité») et, pour ce qui nous concerne, de compréhension et de progrès. On l'a bien compris en matière de compétitions internationales puisque les décisions des CLA sont motivées et publiées sur la toile...

Un grand pas serait accompli si le RT était modifié dans ce sens: appels au CNA gratuits (sans préjudice de frais et dépens pour témérité) et décisions systématiquement motivées et publiées dans le Bulletin.

Mais les moyens manquent (siéger, trancher, motiver et publier, c'est du travail qui mérite salaire!)...

mh

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